samedi 12 février 2011

Les Chaussures Italiennes, de Henning Mankell


  
Un livre très dur, la solitude du narrateur est compacte, solide, étouffante, ses remords obsédants, sa vieillesse angoissante... Jusqu'à ce que ce déboule dans sa vie plusieurs femmes, de différents âges, venues régler des comptes avec lui, et l'aider à faire face à ses obsessions comme aux leurs. Un roman où le vide et l'absence prennent sens, les échanges véritables, et les rapports affectifs humains réels et d'une beauté inégalable, capable de donner pardon et sens à sa vie.
Présentation de l'éditeur
   A soixante-six ans, Fredrik Welin vit reclus depuis une décennie sur une île de la Baltique avec pour seule compagnie un chat et un chien et pour seules visites celles du facteur de l’archipel. Depuis qu’une tragique erreur a brisé sa carrière de chirurgien, il s’est isolé des hommes. Pour se prouver qu’il est encore en vie, il creuse un trou dans la glace et s’y immerge chaque matin. Au solstice d’hiver, cette routine est interrompue par l’intrusion d’Harriet, la femme qu’il a aimée et abandonnée quarante ans plus tôt. Fredrik ne le sait pas encore, mais sa vie vient juste de recommencer.

   Le temps de deux solstices d’hiver et d’un superbe solstice d’été, dans un espace compris entre une maison, une île, une forêt, une caravane, Mankell nous révèle une facette peu connue de son talent avec ce récit sobre, intime, vibrant, sur les hommes et les femmes, la solitude et la peur, l’amour et la rédemption.

 Extraits

Quand la chaussure va, on ne pense pas au pied (Tchouang-Tseu)

Le contraire d'une vérité banale, c'est une erreur stupide. Le contraire d'une vérité profonde, c'est une autre vérité profonde (Niels Bohr)

L'amour est une main douce qui écarte lentement le destin (Sigfrid Siwertz)

Peut-être pendant toutes ces années étais-tu en route sans le savoir ? Il est aussi facile de se perdre à l'intérieur de soi que sur les chemins des bois ou dans les rues des villes.  


    "La vie est comme un rêve qui fuit", avait-il dit un jour. Ou peut-être était-ce Louise qui formulait cette vérité poétique. 
    Je l'écoutais, médusé, avec le sentiment de la voir pour la première fois. J'avais une fille qui comprenait réellement ce que d'être humain signifiait. 
    Que le Caravage, ce peintre mort depuis longtemps, fût l'un de ses plus proches amis, cela ne faisait à mes yeux pas le moindre doute. Elle fréquentait les morts avec autant de facilité que les vivants - peut-être même davantage ? 

   - Je t'ai abandonnée une fois. Ca ne veut pas dire que j'allais le refaire.
   Elle a secoué la tête de façon imperceptible.
   - Toi qui a tellement menti dans ta vie, tu n'as même pas appris à bien mentir. La plus grande partie de ce qu'on dit doit être vraie. Sinon le mnsong devient incontrôlable. Tu sais aussi bien que moi que tu aurais pu m'abandonner une deuxième fois. Est-ce que tu en as abandonné d'autres ?
   J'ai réfléchi avant de répondre. Je voulais que ma réponse soit vraie.
   - Oui, ai-je dis. Une personne.
   - Comme s'appelle-t-elle ?
   - Pas une femme. Moi.

 
Je serai bientôt morte. Toi, tu vivras un moment encore, puis tu mourras aussi. Alors, la trace sera effacée pour de bon. De cette petite lumière qui aura clignoté, vite, entre deux grandes obscurités.


Tu as peur de toi, c'est tout. Comme tout le monde. Moi aussi, Harriet aussi, la merveilleuse petite Andréa, le Caravage... Nous avons peur de nous-mêmes et de ce que nous apercevons de nous chez les autres.

Avant, je me regardais dans un miroir, je n'étais pas certain de ce que je voyais. Maintenant jesais que c'est moi, et pas un visage entrevu par hasard en passant. 

La vie, au fond, c'est quelque chose de sérieux. Il y a un enjeu, je ne sais pas lequel, mais il faut tout de même croire qu'il existe, et que le sens caché se trouve un cran au-dessus des chèques-cadeaux et des tickets de grattage. 

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Lu en janvier 2010, sélection prix du lecteur Trignac 2010
 
Titre : Italienska skor / Les Chaussures Italiennes
Traduit du suédois par : Anna Gibson
Auteur : Henning Mankell né en 1948 partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires, célèbre pour ses romans policiers centrés autour de l'inspecteur Wallander, il est aussi l'auteur de romans ayant trait à l'Afrique ou à des questions de société, de pièces de théâtre et d'ouvrages pour la jeunesse
Editeur : Leopard Förlag, Stockholm, 2006 / Editions du Seuil, 2009
Autres titres de l'auteur : 

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